En 1963 paraît la Constitution sur la liturgie, Sacrosanctum concilium. Celle-ci a consacré son sixième chapitre à la musique sacrée. Quelques années plus tard, le 3 mars 1967, le Concilium pour l’exécution de cette Constitution publie, sous la présidence du cardinal Jacques Lercaro une Instruction sur la musique sacrée : Musicam sacram. « Celle-ci ne rassemble pas toute la législation concernant la musique sacrée, elle se contente de fixer les normes principales qui semblent plus nécessaires à notre époque. » (MS[1] n° 3)

Le document a-t-il vraiment eu un impact à l’époque de sa parution ? Il faudrait une étude historique et sociologique de cette question pour pouvoir y répondre et tel n’est pas notre propos. La question que nous voulons poser est la pertinence de cette Instruction pour nous, musiciens d’église aujourd’hui sachant que ce texte reste toujours d’application pour les questions de musique sacrée.

Une nouvelle conception de la musique sacrée

L’Instruction rappelle d’emblée que la Constitution Sacrosanctum concilium a redéfini la notion de musique sacrée et elle « a mis en lumière la fonction qu’elle remplit dans les offices divins » (SC 1).

La tradition musicale de l’Eglise universelle a créé un trésor d’une valeur inestimable qui l’emporte sur les autres arts, du fait surtout que, chant sacré lié aux paroles, il fait partie nécessaire ou intégrante de la liturgie solennelle.

Certes, le chant sacré a été exalté tant par la Sainte Ecriture que par les Pères et par les Pontifes romains;  ceux-ci, à une époque récente, à la suite de saint Pie X, ont mis en lumière de façon plus précise la fonction ministérielle (munus ministeriale) de la musique sacrée dans le service divin.

C’est pourquoi la musique sacrée sera d’autant plus sainte qu’elle sera en connexion plus étroite avec l’action liturgique, en donnant à la prière une expression plus suave, en favorisant l’unanimité, ou en rendant les rites sacrés plus solennels. (SC n° 112)

Ainsi, le Concile Vatican nous dit que le chant sacré est constitutif de la liturgie solennel ; qu’il y exerce une fonction ministérielle[2], c’est-à-dire qu’il est au service de l’action rituelle et qu’il doit être en connexion la plus étroite possible avec celle-ci. Il a aussi pour tâche de favoriser l’unanimité des fidèles assemblés. Il faut donc que chaque chant, chaque pièce musicale introduits dans la célébration « exprime avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient, et que le peuple chrétien, autant qu’il est possible, puisse facilement les saisir et y participer par une célébration pleine, active et communautaire » (SC 21). Telle est la responsabilité du chant et de la musique dans l’action liturgique.

L’Instruction précise que la musique sacrée, dont « la vraie fin est la gloire de Dieu et la sanctification des fidèles » (SC n° 112 et MS n° 4) est « celle qui, étant créée pour la célébration du culte divin, possède les qualités de sainteté et d’excellence des formes » (MS n° 4) Ces deux qualités sont reprises du Motu proprio, Tra le sollicitudini (1903) de Pie X. Elles seront relues à la lumière du texte qui suit ce paragraphe et de la nouvelle définition de la musique sacrée qu’a donnée la Constitution (voir le n° 112 cité ci-dessus). Donc « est sainte la musique qui devient signe effectif des mystères célébrés. C’est dans l’acte même de telle célébration donnée, et là seulement, qu’on peut juger de la sainteté de la musique[3]. »

Quant à “l’excellence des formes”, cela signifie que « l’esthétique de la musique liturgique n’est autre désormais que son aptitude à remplir parfaitement et totalement le munus (fonction) rituel et pastoral que lui attribue chaque moment de la célébration »[4].

Musicam sacram veut donc répondre aux questions qui touchent la musique sacrée et sa fonction ministérielle en tenant compte des nouvelles normes concernant l’organisation des rites et la participation active des fidèles. Telle est bien une des idées principales qui sous-tend tout le document.

La participation active du peuple

Cette notion de “participation active” a souvent posé problème et elle est encore source de discussion aujourd’hui[5].

Cette notion n’est pas apparue avec le Concile Vatican II. En effet, on trouve déjà ce désir de “participation active” de l’assemblée dans Tra le sollicitudini du pape Pie X en 1903. Dans la préface de son Motu proprio, Pie X écrit :

Notre très vif désir étant, en effet, que le véritable esprit chrétien refleurisse de toute manière et se maintienne en tous les fidèles, il est nécessaire de pourvoir, avant tout, à la sainteté et à la dignité du temple, où précisément les fidèles se réunissent pour puiser cet esprit à sa source première et indispensable, c’est-à-dire la participation active aux sacro-saints mystères et à la publique et solennelle prière de l’Eglise.

Un peu plus tard dans le siècle, c’est-à-dire en 1929, le pape Pie XI insiste à nouveau sur cette participation active des fidèles dans sa Constitution apostolique Divini cultus :

Il est absolument nécessaire que les fidèles n’assistent pas aux offices en étrangers ou en spectateurs muets ; mais que, pénétrés de la beauté des choses liturgiques, ils prennent part aux cérémonies sacrées…

L’autorité religieuse insistera à nouveau sur cette notion lorsque le pape Pie XII rappellera dans son Encyclique sur la liturgie, Mediator Dei, de 1947 :

Qu’il est donc nécessaire… que tous les chrétiens considèrent comme un devoir principal et un très grand honneur de participer au Sacrifice eucharistique, et cela non d’une manière passive et négligente, en pensant à autre chose, mais avec une attention et une ferveur qui les unissent étroitement au souverain Prêtre…

Les « Quelques normes générales » de Musicam sacram commencentt par rappeler l’article 113 de Sacrosanctum Concilium :

L’action liturgique revêt une forme plus noble lorsqu’elle est accomplie avec chant, que chaque ministre y remplit la fonction propre à son rang et que le peuple y participe. (SC n° 113)

Mais c’est dans le second chapitre que l’Instruction explicite la notion de “participation pleine, consciente et active”. Nous y reviendrons ci-dessous, mais expliquons d’abord pourquoi le Concile donne tant d’importance à cette participation active des fidèles pour « qu’ils remplissent leur fonction liturgique » (MS n° 15).

Si les documents demandent que « les fidèles n’assistent pas aux offices en étrangers ou en spectateurs muets » ( Divini Cultus et SC n° 14) c’est parce qu’il en était effectivement ainsi. Le dimanche, les fidèles “assistaient” à la messe pour se mettre en accord avec l’obligation dominicale et faisaient tout autre chose pendant celle-ci, par exemple réciter leur chapelet. Pendant ce temps, le prêtre disait “sa” messe à laquelle les personnes présentes ne prenaient quasi aucune part. Le Concile Vatican II a donc voulu que celles-ci se sentent concernées par l’action liturgique et y prennent part, une part “pleine, consciente et active”. Et de justifier cette participation non seulement par le fait que l’action liturgique, elle-même, le demande, mais aussi parce que c’est « un droit et un devoir » pour chaque membre du peuple chrétien « en vertu de son baptême » (MS n° 15). En effet, par le baptême, le chrétien a été plongé dans la mort et la résurrection du Christ ; il est devenu membre de son Corps ; il est donc en droit et c’est pour lui un devoir de célébrer en Eglise le Mystère pascal, la mort et la résurrection du Seigneur, pour être rétabli dans l’Alliance avec Dieu et obtenir le salut qui le délivre de la mort et lui donne la Vie éternelle.

C’est ainsi que par le baptême les hommes sont greffés sur le mystère pascal du Christ : morts avec lui, ensevelis avec lui, ressuscités avec lui ; ils reçoivent l’esprit d’adoption des fils « dans lequel nous crions : Abba, Père » (Rom 8, 15), et ils deviennent ainsi ces adorateurs que cherche le Père. (MS n°6)

Cette notion de participation active de l’assemblée, c’est-à-dire les personnes qui se sont rassemblées pour devenir, par la célébration de l’eucharistie, membres d’un même Corps, celui du Christ mort et ressuscité, n’est pas une concession que l’on fait aux fidèles assemblés “parce qu’il le faut bien” . Non, cette participation active est fondamentale dans la célébration liturgie : « elle est demandée par la nature de la liturgie elle-même. » (SC n° 14)

Une participation intérieure et une participation extérieure

Il s’agit de bien comprendre la nature de cette participation active que l’on a trop souvent confondue avec une participation “activiste” avec toutes les dérives que celle-ci a entraînées !

Musicam sacram précise que « cette participation doit d’abord être intérieure » (MS n° 15a), et ceci pour que « les fidèles s’unissent d’esprit à ce qu’ils prononcent ou entendent » (MS n° 15a). Il s’agit donc d’être présent de corps mais aussi d’esprit à l’action liturgique qui est célébrée. Autrefois, on était présent corporellement mais l’esprit était ailleurs, occupé à assurer quelque dévotion ! Et le texte de ce n° 15a d’ajouter qu’ainsi « ils [les fidèles] coopèrent à la grâce d’en haut » « pour ne pas recevoir celle-ci en vain » ajoute la Constitution (SC n° 11). Sans cette participation intérieure à la liturgie, celle-ci serait donc inutile pour les fidèles qui y prennent part.

Mais Musicam sacram ajoute que cette participation intérieure doit s’exprimer par une participation extérieure qui se manifeste « par les gestes et les attitudes corporelles, par les acclamations, les réponses et le chant » (MS 15b). Donc le chant de l’assemblée a toute son importance, c’est lui donne à la célébration sa dimension de louange, c’est lui qui permet « à ceux qui vont partager [le] pain et boire à [la] coupe d’être rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps, pour [être] eux-mêmes dans le Christ une vivante offrande à la louange de [la] gloire [du Père] » (PE n° IV). Ainsi :

On ne peut rien voir de plus festif et de plus joyeux dans une célébration qu’une assemblée qui, tout entière, exprime sa foi et sa piété par le chant. Par conséquent, la participation active de tout le peuple, qui se traduit par le chant, sera développée avec soin. (MS n° 16)

Une participation chantée ordonnée

Déjà dans le n° 15b, l’Instruction, lorsqu’elle parle de participation extérieur chantée, commence par citer les acclamation et les réponses avant de mentionner le chant. Au n° 16a elle précise l’ordre dans lequel devront se faire les interventions chantées de l’assemblée :

En premier lieu les acclamations, les réponses aux salutations du prêtre et des ministres, ou aux prières de forme litanique, et en outre les antiennes et les psaumes, de même que les versets intercalaires ou refrains, ainsi que les hymnes et les cantiques. (MS n° 16a)

Dans le chapitre III, qui traite du chant dans la célébration de la messe, Musicam sacram ira jusqu’à détailler cet ordre des chants et à répartir ceux-ci selon trois degrés de participation (MS n° 29) :

Appartiennent au premier degré :

a) Dans les rites d’entrée :

  • La salutation du prêtre avec la réponse du peuple ;
  • La prière.

b) Dans la liturgie de la Parole :

  • Les acclamations à l’Évangile.

c) Dans la liturgie eucharistique :

  • La prière sur les offrandes ;
  • La préface, avec son dialogue et le sanctus ;
  • La doxologie finale du canon ;
  • La prière du Seigneur, avec sa monition et son embolisme ;
  • Le Pax Domini ;
  • La prière après la communion ;
  • Les formules de renvoi.

30. Appartiennent au second degré :

  • Le Kyrie, le Gloria et l’Agnus Dei ;
  • Le Credo ;
  • La prière universelle.

31. Appartiennent au troisième degré :

  1. Les chants des processions d’entrée et de communion ;
  2. Le chant après la lecture ou l’épître ;
  3. L’Alléluia avant l’évangile ;
  4. Le chant d’offertoire ;
  5. Les lectures d’Écriture sainte, à moins qu’on ne juge plus opportun de les proclamer sans les chanter.

Des questions se posent pour nous aujourd’hui ! Comment peut-on respecter ces degrés de participation chantée de l’assemblée si le prêtre ou les ministres ne chantent pas ce qui leur revient, à savoir les dialogues, les oraisons, la Préface…, bref tout ce qui est repris par le document dans le premier ordre des chants de la célébration eucharistique ? Si les prêtres chantaient ou cantillaient ces chants ils deviendraient les premiers “animateurs” du chant de l’assemblée !

On constate que la plupart de ces interventions chantées ont disparu de nos célébrations ce qui a pour conséquence que les chants sont alors prioritairement des cantiques, forme de chant qui vient en dernier lieu dans l’ordre des chants demandés par Musicam sacram, et ainsi on en est venu à “chanter pendant la messe” plutôt que de “chanter la messe” ! Or le document nous dit que l’« on doit préférer, autant que c’est possible, même plusieurs fois le même jour, la forme de la messe chantée » (MS n° 27) et que ces degrés de participation chantée ont été proposés pour la messe chantée pour « qu’il soit désormais plus facile, selon les ressources dont dispose chaque assemblée, de rendre la célébration de la messe plus solennelle grâce au chant » (MS n° 28). Ces dialogues et ces acclamations participent de la fonction ministérielle (munus ministeriale) du chant dans la célébration eucharistique : ils sont constitutifs de l’action liturgique elle-même et ne sont donc pas “facultatifs” !

Mais l’on dira que tous les prêtres ne sont pas capables de chanter. Encore faudrait-il en analyser la raison ! Musicam sacram répond à cette objection et propose une solution :

Si le prêtre ou le ministre n’est pas capable d’exécuter correctement les chants, il peut prononcer sans chanter telle ou telle des pièces qui lui reviennent, si elle est trop difficile, en la récitant à voix haute et distincte. Mais un prêtre ou un ministre ne devra pas le faire sous le seul motif de commodité personnelle. (MS n° 8)

La dernière phrase donne à réfléchir ! Sans doute faut-il avoir le souci d’une formation musicale sérieuse ? A ce propos, nous sommes renvoyés à la Constitution Sacrosanctum concilium qui s’exprime en ces termes sur ce sujet :

On accordera une grande importance à l’enseignement et à la pratique de la musique dans les séminaires, les noviciats de religieux des deux sexes et leurs maisons d’études, et aussi dans les autres institutions catholiques ; pour assurer cette éducation, les maîtres chargés d’enseigner la musique sacrée seront formés avec soin. (SC n° 115)

Une participation active silencieuse

Lorsque le document parle de participation active, après avoir préciser ce qu’il entend par participation intérieure et participation extérieure, il invite aussi « à éduquer les fidèles à s’unir intérieurement à ce que chantent les ministres ou la chorale, pour élever leur esprit vers Dieu en les écoutant » (MS n° 15b).

Ceci a deux conséquences, à savoir le fait qu’au cours de la célébration il peut y avoir des pièces chantées auxquelles l’assemblée participent par la simple écoute, mais également le fait qu’au sein d’un même chant il y a des parties qui reviennent à l’assemblée et d’autres où elle se tait et écoute celui ou ceux qui chantent. C’est par exemple le cas d’un chant de forme “couplet-refrain” : l’assemblée ne chante que celui-ci et elle écoute activement lorsque le chantre ou un chœur chante les couplets !

Musicam sacram développe aussi l’idée de participation active par un “silence sacré” déjà énoncée dans Sacrosanctum Concilium n° 30 :

Par ce silence, en effet, les fidèles ne sont pas réduits à assister à l’action liturgique comme des spectateurs muets et étrangers, mais ils sont associés plus intimement au mystère qu’on célèbre, grâce à cette disposition intérieure qui découle de la Parole de Dieu qu’on entend, des chants et des prières qu’on prononce, et de l’union spirituelle avec le célébrant pour les parties qu’il dit lui-même. (MS n° 17)

Il y aurait beaucoup à dire sur ces brefs moments de silence qui ponctuent la célébration. Ils ne sont pas des moments d’arrêt, des temps de méditation, mais juste de brefs moments d’intériorisation de ce qui vient de se vivre, le temps de se laisser pénétrer par une lecture écoutée ou un chant exécuté. Ils permettent de goûter chaque élément de l’action liturgique : ils donnent à chaque instant sa propre saveur. Ces brefs moments de silence sont aussi les sas de transition d’une action à l’autre pour que ceux-ci se vivent intérieurement, sans précipitation désordonnée.

En connexion étroite avec l’action liturgique

Une autre ligne de force de l’Instruction Musicam sacram est de vouloir « que l’on observe exactement le sens et la nature propre de chaque partie et de chaque chant » (MS n° 6). Et d’ajouter encore :

Pour atteindre ce but, il faut en particulier que les textes qui requièrent naturellement le chant soient effectivement chantés, en respectant le genre et la forme requis par leur caractère propre. (MS n° 6)

Il faut donc respecter les différentes formes de chants que demande l’action liturgique. Aucun style musical n’est à priori écarté et toute musique peut devenir sacrée à condition qu’elle soit « en connexion étroite avec l’action rituelle » (SC n° 112) :

L’Eglise n’écarte des actions liturgiques aucun genre de musique sacrée pourvu qu’il s’accorde avec l’esprit de l’action liturgique elle-même et avec la nature de chacune des parties. (MS n° 9)

C’est d’ailleurs ce qui donnera à la célébration sa véritable solennité, car celle-ci demande que l’on tienne compte « de l’intégrité de l’action liturgique elle-même, c’est-à-dire de l’exécution de toutes ses parties selon leur nature propre » (MS n° 11).

Donc, ceci est une des clés fondamentales qui doit nous guider dans le choix des chants pour une célébration liturgique. Il faut que ceux-ci respectent les formes demandées par les différentes actions qui composent le déroulement de la liturgie afin « qu’ils soient accordés aux parties de la messe, à la fête ou au temps liturgique » (MS n° 32 et 36).

Des acteurs du chant au service de la participation active de l’assemblée

Le chapitre II de Musicam sacram est consacré à la présentation des différents acteurs du chant au sein de la célébration liturgique. Mention toute particulière est faite du rôle de la chorale, qui peut être aussi la “chapelle musicale” ou la “Schola cantorum”. Elle a toute son importance, et même encore « plus d’importance et de poids par suite des dispositions du Concile » (MS 19) au point que l’Instruction trouvera « opportun d’établir de telles chorales, même modestes, dans les petites églises » (MS n° 19b). Cependant, même si elles conservent « un trésor musical d’un prix incomparable » (MS n° 20) elles devront veiller « à ce que le peuple soit toujours associé au chant, du moins pour les pièces faciles qu’il lui revient d’exécuter » (MS n° 20). Donc des chœurs oui, mais au service de l’assemblée dont ils font eux-mêmes partie :

Le groupe des chanteurs, compte tenu de la disposition de chaque église, sera installé de telle façon :

  1. Que sa nature apparaisse clairement, à savoir qu’il fait partie de l’assemblée des fidèles et qu’il remplit une fonction particulière. (MS n° 23)

Là où l’on ne pourra pas disposer d’une chorale, même modeste, on devra « pourvoir à ce qu’il ait au moins un ou deux chantres suffisamment formés » (MS n° 21).

Ce chantre devra pouvoir proposer pour la participation du peuple quelques chants simples ; il devra en même temps savoir diriger et soutenir les fidèles eux-mêmes. (MS n° 21)

Dans son chapitre VIII consacré à la musique instrumentale, l’Instruction, qui de nouveau n’exclut aucun instrument particulier à condition que celui-ci ne soit pas d’après le sens commun et l’usage courant connoté uniquement à la musique profane, souligne que « l’emploi d’instruments dans l’accompagnement des chants peut être bon pour soutenir les voix : il pourra rendre plus aisée la participation et plus profonde l’unité d’une assemblée » (MS n° 64).

Ce souci de favoriser la participation des fidèles, que celle-ci soit intérieure ou extérieure comme nous l’avons précisé ci-dessus, doit être une préoccupation constante de tous les instrumentistes qui interviennent dans l’action liturgique :

Il est tout à fait souhaitable que les organistes et autres instrumentistes ne soient pas seulement experts dans le jeu de l’instrument qui leur est confié : mais ils doivent connaître et pénétrer intimement l’esprit de la liturgie pour qu’en exerçant leur fonction, même l’improvisation, ils enrichissent la célébration selon la vraie nature de chacun de ses éléments, et favorisent la participation des fidèles. (MS n° 67)

Notons aussi que le document demande aux instrumentistes que la musique qu’ils interprètent soit « en connexion étroite avec l’action liturgique » (SC n° 112) puisqu’ils doivent « enrichir la célébration selon la vraie nature de chacun de ses éléments » (MS n° 67).

L’importance de la formation

L’étude de Musicam sacram révèle que le souci de formation, tant au chant qu’à la liturgie, de tous ceux qui sont présents dans la célébration est constant.

Nous venons de le voir ci-dessus à propos des instrumentistes. Elle demande également que les chantres soient formés (n° 21) ainsi que les membres de la chorale :

En plus de la formation musicale, on donnera aussi aux membres de la chorale une formation liturgique et spirituelle adaptée. (MS n° 24)

Elle imagine aussi que « parmi les fidèles, les membres de sociétés religieuse de laïcs soient formés au chant avec un soin spécial, de manière à ce qu’ils jouent un rôle actifs dans le soutien et le progrès de la participation du peuple » (MS n° 18). Elle va même jusqu’à souhaiter une formation au chant de tout le peuple. Celle-ci « sera développée sérieusement et patiemment, en même temps que la formation liturgique » (MS n° 18).

L’Instruction met en avant la compétence de ceux qui sont responsables du chant :

Chaque fois que, pour une action liturgique qui doit se célébrer avec chant, on peut choisir entre diverses personnes, “il convient de donner la préférence à celles qui sont plus compétentes en matière de chant. (MS n° 8)

En conclusion

L’Instruction Musicam sacram répond encore à bien des questions que nous nous posons aujourd’hui à propos du chant et de la musique dans la liturgie, notamment concernant « la langue à employer dans les actions liturgiques avec chant et la conservation du répertoire de musique sacrée ». Elle y consacre son sixième chapitre. Là aussi dominent le souci de la participation active de l’assemblée et celui de respecter la nature de l’action liturgique. Ce sont donc ces deux axes fondamentaux, qui sont à la base de la rédaction du texte de Musicam sacram, que nous avons voulu mettre en évidence dans cette présentation d’un document qui, aujourd’hui encore, a toute sa pertinence. Il devrait être un outil de référence pour tous ceux qui exercent une responsabilité de chant dans la célébration liturgique. Puisse-t-il encore porter du fruit, car comme nous le rappelle le pape François dans son discours pour souligner le cinquantième anniversaire de cette Instruction (4 mars 2017), l’introduction de celle-ci « est toujours d’une grande actualité » :

L’action liturgique revêt une forme plus noble lorsqu’elle est accomplie avec chant, que chaque ministre y remplit la fonction propre à son rang et que le peuple y participe.

Sous cette forme, en effet, la prière s’exprime de façon plus pénétrante ; le mystère de la liturgie, avec ses caractères hiérarchique et communautaire, est plus ouvertement manifesté ; l’unité des cœurs est plus profondément atteinte par l’union des voix ; les esprits s’élèvent plus facilement de la beautés des choses saintes jusqu’au réalités invisibles ; enfin la célébration tout entière préfigure plus clairement la liturgie céleste qui s’accomplit dans la nouvelle Jérusalem. (MS n° 5)

Philippe ROBERT

  1. Nous désignons Musicam sacram par MS et Sacrosanctum concilium par SC.

  2. Sur la fonction ministérielle du chant dans la liturgie, voir H. Hucke, Le « Munus ministeriale » de la musique dans le culte chrétien, dans Le chant liturgique après Vatican II, Fleurus, coll. Kinnor n° , 1965, p. 33-51 et M. Steinmetz, La musique sacrée et Varican II : une participation au mystère de la foi, dans Le chant liturgique aujourd’hui et la tradition grégorienne, Hermann, 2016, p. 13-37.

  3. G. Gelineau, Le préambule, dans L’Instruction “Musicam sacram”, Eglise qui chante n° 79-80, juin 1967, p. 6.

  4. Loc. cit., p.6.

  5. Voir par exemple D. Trepier, La passion de la liturgie, L’Harmattan, 2016, p. 359 et sv.